7. LE CHACO (Paraguay)
Le mardi matin nous avons pris le bateau Conception / Bahia Negra qui remonte le Rio Paraguay en 3 jours jusqu’à la frontière brésilienne. Il s’agit d’un bateau de marchandises qui fait le trajet toutes les semaines, il prend également des passagers qui peuvent dormir sur des hamacs ou payer 100 guaranis (15 euros) pour avoir une des 8 cabines disponibles. Nous avons préféré dormir en cabine, et contre toute attente nous avons très bien dormi. Nous nous arrêtions au premier arrêt 130 km plus haut (Porto Casado) avec une arrivée le mercredi matin, soit une vingtaine d’heures à passer sur ce bateau. Nous ne regrettons pas cette expérience. Sur le bateau il y avait en priorité des marchandises dans les cales et un peu partout, des passagers paraguayens, également 4 jeunes touristes bresilo-argentins et un chilien qui faisait des recherches sur les ethnies du Chaco et avec qui François a beaucoup discuté. Il y avait aussi un chaton très câlin qui a bien occupé les filles.
Nous avions prévu de faire Porto Casado à Filadelfia à vélo soit 270 km, et on nous avait indiqué que cette route était goudronnée. Sur le bateau on nous appris que non. Il s’agissait d’une piste de terre correcte sans sable et avec des habitations et des boutiques un peu partout. On nous a indiqué que cette piste était correcte sauf lorsqu’il pleuvait où elle était alors totalement impraticable. Mais comme cela faisait 2 mois qu’il n’y avait pas eu une goutte de pluie, « tranquille » (comme ils disent).
Nous arrivons donc à Porto Casado, nous voyons au loin le petit port, et là … il se met à pleuvoir …
Bateau sur le Rio Paraguay
Nous débarquons à Porto Casado, petite ville loin de tout, avec des bâtiments coloniaux à moitié à l’abandon, des locomotives rouillées et de larges rues. La pluie n’est pas forte ni régulière mais elle ne semble pas vouloir s’arrêter. On avait prévu de partir directement mais là cela va être compliqué. On tourne un peu dans la ville, on va voir la piste, qu’est-ce que l’on fait ??? On se renseigne sur l’état de la piste et les possibilités d’approvisionnement en eau et en nourriture, les versions varient, on interroge une dizaine de personnes, en particulier un homme en moto qui revient de la piste et qui nous donne la version la plus juste : quelques habitations les 30 premiers km et après plus rien ; un premier point d’eau à 90 km (poste de police), une boutique à 150 km et ensuite plus rien à nouveau jusqu’à la ville de Loma Plata à 237 km. Nous décidons de nous poser une nuit à Porto Casado pour attendre la fin de la pluie et pour faire des provisions pour plusieurs jours. Nous avons deux invitations à dormir chez des gens mais nous préférons nous poser à l’hôtel avant ces quelques jours qui vont être sans doute fatigants et peu confortables.
Porto Casado
Nous mettons finalement 5 jours pour arriver à Loma Plata. La piste est très bien au début et la météo fraiche (25° max). Et puis progressivement la piste se dégrade un peu et la météo, qui devait rester fraiche 4 à 5 jours, remonte rapidement pour atteindre des 35° au plus chaud. Côté circulation, il n’y a quasiment pas de voitures les premiers kilomètres et progressivement un peu plus en se rapprochant de Lomo Plata avec les différents embranchements que nous croisons.
On a vu beaucoup d’oiseaux, des rapaces, des perruches, des bandes de petits oiseaux à la tête rouge, des petits oiseaux tout blancs, des martins pêcheurs, … Les 100 premiers kilomètres il y avait aussi des toucans qui s’envolaient à notre approche mais ils n’ont pas voulu faire de pause photo. Les 100 premiers kilomètres il y avait aussi des vaches sur la piste. Des personnes sur la route nous ont alertés « il y a des tigres (=jaguars), ils vont manger les créatures (=les filles) », « qu’est-ce que vous faites s’il y a un tigre, vous n’avez pas de fusil »… Malheureusement nous n’avons vu ni jaguars, ni pumas mais nous avons vu 3 fois leurs traces de pattes sur le sable sur le côté de la route. Nous avons également vu des renards écrasés (cela change des chiens écrasés…), un tatou mort et vidé de sa chair, les restes d’un crocodile dont nous avons récupéré deux dents, …
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Nous avons bivouaqué ces cinq jours et la difficulté était de trouver un site car tout le long de la piste il y avait la plupart du temps des clôtures et aussi de la végétation trop abondante (grandes herbes). Nos deux critères étant : une zone plate et dégagée de végétation, et surtout une zone non visible de la route. Le premier soir nous avons dû rouler jusqu’à la tombée de la nuit (17h30) avant de trouver une piste qui bifurquait et sur laquelle il y avait, en retrait, une zone où un bivouac était envisageable. Ce qui fait que nous avons roulé plus de 60 km la première journée. Le deuxième soir ce n’a pas été évident non plus mais nous avons été moins exigeants (surtout Corinne réputée ch_ _ _ _ _ pour les sites de bivouac) et nous avons fait le choix d’un chemin de terre en nous éloignant le plus possible de la route. Le troisième soir, à l’approche de Lomo Plata, il n’y avait plus aucune possibilité de trouver un accès sans clôture. Nous avons donc demandé à mettre notre tente dans un champ dans une hacienda (grande propriété où ils élèvent des vaches). Le jeune, à qui nous avons demandé lorsqu’il sortait en moto de l’hacienda, ne savait pas trop si nous pouvions ; finalement il nous a envoyé vers les habitations dans l’hacienda et là un homme nous a laissé nous installer où nous voulions. Nous nous sommes installés 200 m derrière dans une prairie clôturée. Bivouac a priori tranquille car l’homme à qui nous avons demandé était avec sa femme, un bébé et une petite fille devant leur petite maison. Donc pas des fêtards. Et comme nous étions samedi soir et que généralement ils aiment bien mettre la musique très forte les soirs de week-ends … méfiance. Donc on s’endort avec le silence de la nuit, après avoir admiré étoiles et lucioles et fait notre petite partie de tarot. Mais à minuit on est réveillé par de la musique très forte, et cela dure 1h durant laquelle on doit la subir en croisant les doigts que cela ne réveille pas les filles. Il s’agissait sans doute du voisin qui devait prolonger sa soirée bière/musique chez lui sans ce préoccuper de la petite famille vivant à coté et encore moins des touristes. Pour notre dernier bivouac, nous étions à 20 km de Lomo Plata et l’on a trouvé un site assez magique et inespéré, une clôture ouverte, on y rentre rapidement sans être vu et on avance derrière les arbres, et là, deux petits étangs. Deux chevreuils se sauvent à notre arrivée, un capibara ne nous voit pas et vient se baigner dans le 2eme étang… Mais bon, tout le monde étant fatigué, des petits conflits sur le choix de l’emplacement ont un peu perturbé le côté magique.
Le principal problème lors de ces 5 jours a été l’eau. En bivouac, l’eau nous sert à remplir nos bidons pour la journée, à faire les pâtes du soir et à faire le petit déjeuner (café et lait en poudre). C’est ce que nous appelons l’eau propre, si nous devons la boire on met une pastille ou l’on achète de l’eau minérale. Il y a également l’eau « sale », pour éventuellement faire une petite toilette, pour se laver les mains avant de manger, pour tremper les chaussettes noires des bidons (qui permettent de maintenir l’eau fraîche) et si il fait très chaud que l’on utilise pour se mouiller la nuque et les chapeaux. Nous évitons de nous charger avec de l’eau sale, et pour le Chaco, nous avons utilisé l’eau des lacs (au début) et des marigots (ensuite). Nous avions pris 16 litres d’eau « propre » en partant de Porto Casado, nous savions qu’à 90 km il y a avait une possibilité de remplir à nouveau nos bidons et bouteilles. Nous y étions le deuxième midi, il s’agissait d’un poste de police avec une cuve pour récupérer l’eau. Nous y avons pris 3 litres seulement, n’osant pas en prendre plus et pensant en prendre plus loin dans un lac ; mais finalement il s’agissait plutôt de marigots. Nous sommes arrivés en fin de journée avec une quantité très juste en eau pour nous poser à notre bivouac. Nous avons essayé d’arrêter les quelques véhicules qui passaient pour leur demander un peu d’eau, mais à notre grande surprise, ils ne s’arrêtaient pas. Une camionnette s’est enfin arrêtée et le chauffeur nous a donné un peu d’eau. Il avait aussi des fruits à l’arrière et nous avons profité de cette aubaine pour lui acheter des bananes. Nous avons pu ensuite avoir de l’eau à plusieurs reprises (poste de police, hacienda, voiture qui s’est arrêtée, boutique des 150 km).
Lors de ces 5 jours nous avons consommé beaucoup d’eau, surtout les trois derniers jours où il faisait particulièrement chaud. Nous nous arrêtions plusieurs heures le midi à l’ombre car ce n’était pas très raisonnable de rouler sous ce soleil de plomb avec les filles.
Autre petite préoccupation lors de 5 jours de vélo sous le soleil. La bonne petite douche. Lorsque nous étions dans les Andes ce n’était pas un problème car avec le froid nous en avions moins besoin et aussi nous avions la possibilité de nous doucher régulièrement dans les petits hôtels. Mais là, dans le Chaco, c’était à la fois plus utile et plus compliqué. Le deuxième jour nous nous sommes vaguement aspergés avec de l’eau d’un marigot, mais cela n’a pas été suffisant pour retirer le côté collant moite et odorant… Le troisième jour, avec la chaleur, cela devenait vraiment nécessaire. C’est aussi le troisième jour où nos réserves en eau et en nourriture étaient bien basses. Et là, un peu avant 150 km, miracle la boutique tant attendue. Mais il ne s’agit pas uniquement d’une petite boutique, c’est une grosse boutique bien approvisionnée, il y a un restaurant, la possibilité de prendre une douche, des hamacs, une télé (pour Marion…) … On n’en attendait pas tant et on apprécie particulièrement cette étape où l’on se ressource, on mange, François goutte le pécari, on se douche, on refait notre approvisionnement pour les 100 km restant, on fait une petite sieste. Il y a même un toucan domestique. Les propriétaires sont sympathiques, lui a un grand-père français, mais il ne parle malheureusement notre langue. Après une pause de près de 4h, nous repartons sous le soleil.
Nous sommes arrivés très fatigués à la ville de Lomo Plata où nous avons apprécié le lit et le confort de l’hôtel ainsi que la clim (températures extérieures : 39° !) ! Cette ville nous a beaucoup déçus. Cela ressemble à une zone industrielle française avec une succession de commerces ou de restaurants dans des sortes de hangars. C’est très poussiéreux, il n’y a pas réellement de centre, les gens se déplacent en pick up et il n’y presque personne à pied et très peu d’habitations. Nous sommes partis le lendemain pour Filadelfia, à 30 km de là. Il faisait encore très chaud, nous avions le vent de face au début et un peu de circulation, nous n’avons pas trop apprécié cette étape. Après Lomo Plata, Filadelfia ressemblait plus à une ville, avec des résidences en plus des commerces, un parc central, un musée,… Nous nous sommes fait plaisir avec un hôtel avec piscine, les filles en ont bien profité. Nous avons visité le musée des mennonites. La communauté mennonite est une communauté religieuse qui suit strictement la bible et qui vit renfermée sur elle. Les mennonites sont arrivés en Amérique du Sud au début du XXeme en provenance d’Europe (Allemagne, Pays Bas, Russie, France), ils parlent Allemand et un dialecte proche du néerlandais et de l’allemand, le PlattDeutch. (Les Amish sont issus de la communauté mennonite). Les plus traditionnels sont habillés comme dans « la petite maison dans la prairie » ; mais la plupart sont habillés comme des occidentaux très ruraux et pas très modernes : bottes, grosses chaussures, les femmes en robes, certains jeunes enfants pieds nus… Les villes de Loma Plata et Filadelfia ont été créés par et pour les mennonites vers 1920. Il n’y avait alors dans le Chaco que des indigènes. Aujourd’hui il y a toujours ces deux communautés, elles ne se mélangent pas. Les « indigènes » ne parlent pas Allemand ou Plattdeuch, les mennonites ne parlent pas tous espagnols et encore moins guarani (les 2 langues officielles du Paraguay). Il y a des quartiers ‘indigènes’ et des quartiers, plus riches, mennonites. Il y a des écoles mennonites où l’enseignement se fait en allemand et les autres écoles en espagnol et guaranis. C’est assez surprenant et même dérangeant. On les reconnait facilement car ils sont typés allemand/russe et sont entre eux. Nous les avons croisés principalement dans les grandes surfaces mais aussi dans les restaurants et se sont eux qui tiennent boutiques et hôtels. Dans les grandes surfaces ils parlent entre eux, ils nous regardent avec curiosité mais ne nous ont pas abordés. Ils sont principalement éleveurs de bovins. On les a vus aussi sur la route à l’arrière des pick up partant dans les champs. Les seuls qui nous aient parlés c’était sur la route, une voiture s’est arrêtée pour nous proposer de l’eau, nous offrir des gâteaux maisons et des pamplemousses jardins, l’homme parlait espagnol mais pas la femme. Nous avons également bien discuté avec l’homme qui nous a fait visiter le musée des mennonites. On retrouve cette communauté à Santa Cruz, où y vit une « colonie ». Dans le bus qui nous a amené à Santa Cruz depuis le Paraguay, il y avait un jeune couple avec une fille de 1,5 an/ 2 ans. Ils ne nous ont pas adressé la parole, une fois François a commencé à lui parler mais il n’a pas répondu. La femme était en robe type « petite maison dans la prairie » avec un voile dans les cheveux, la petite fille était pieds nus,… même s’ils sont d’origine allemande, leurs habitudes semblaient plus proches des boliviens : à plusieurs reprises ils ont dû changer la couche de la petite dans le bus ; la femme pliait soigneusement la couche usagée, la passait à son mari, celui-ci ouvrait délicatement la fenêtre et balançait la couche sale dehors…
Parc de Filadelfia et musée mennonites
Depuis Filadelfia la seule solution (autre que le vélo) de rejoindre Santa Cruz était de prendre 2 bus, avec une partie de la nuit à attendre le 2eme bus au milieu de nulle part. Départ de Filadelfia à 20h le mardi soir, arrivée à Santa Cruz le lendemain à 22h avec le bus le plus pourri de notre voyage (sale, des cafards sur les murs, pas de clim, films débiles au-dessus de nos têtes toute la journée).
Trajet Filadelfia => Marischgal => Santa cruz
Jeudi 17 aout : vol retour Santa Cruz / Lima / Madrid / Toulouse
Et merci à Jérome et Manu de venir nous chercher à Toulouse.
"maintenant c'est fini, je vais pouvoir me raser ..."