6. D'IGUAZU A CONCEPTION (Paraguay)
La ville d’Iguazu (à 20 km des chutes) est située à la frontière de l’Argentine, du Brésil et du Paraguay. Nous avons traversé le fleuve au niveau de ces « Tres Fronteras », pour retourner au Paraguay. De là nous avons passé la périphérie de la ville « Ciudad del Este » en direction du nord, avec deux objectifs : visiter le barrage d’Itaipu et faire étape à la réserve Tati Yupi (propriété de la compagnie qui gère le barrage).
Sur la route avant d’arriver au barrage nous nous sommes arrêtés à un site géré par le barrage avec un musée et un centre de soins d’animaux sauvage. Ce centre n’est plus accessible au public alors nous sommes allés voir les responsables pour expliquer que l’on travaillait en France dans les domaines de barrages (Corinne) et des animaux sauvages (François) et que par conséquent nous étions très intéressés pour visiter ce centre de soins. Ils ont été OK et on a eu une visite guidée par le vétérinaire du site. Ce centre de soin accueille des animaux du Paraguay qui ont été blessés ou récupérés chez des particuliers : Pécaris, Pumas, Perroquet, Jaguar, Renard du Paraguay, Tapirs, Fourmiliers, … A noter un osselot très sympas qui venait se frotter contre les grillages en ronronnant et que le vétérinaire caressait à travers les grilles. Marion l’a aussi très furtivement caressé.
Ensuite nous devions trouver un endroit pour bivouaquer. On a demandé si on pouvait se mettre sur le site pas loin du centre de soin, et finalement ils nous ont envoyé 500 m plus loin nous mettre à côté des bâtiments du CIH (…) devant la reconstitution du barrage. On aurait préféré se mettre derrière les bâtiments dans la forêt, mais non il fallait se mettre là, à côté des bureaux, sous les lampadaires et à l’entrée de la maquette qui se visite. Et d’ailleurs, le matin alors que l’on était en train de faire nos sacoches, on eu le droit à des visiteurs en costume qui devait se demander ce que nous faisions là avec notre déballage et nos tenues de manants. A noter qu’au Paraguay il gèle rarement, 2 à 3 nuits max par an, et nous avons le privilège le matin de constater qu’il y avait du givre sur la tente et sur l’herbe !
Traversée de l'Argentine vers le Paraguay aux "Tres fronteras"
Visite du centre de soin d'Itaipu puis bivouac sur le site du CIH
Le lendemain nous sommes allés faire la visite touristique du barrage Itaipu -barrage bresilo-paraguayen- soit un tour de bus autour du barrage et des explications techniques très légères. Il s’agit du deuxième plus grand barrage du monde après le barrage des trois vallées en Chine et du plus puissant barrage au monde. Il fournit plus de la moitié de l’électricité du Paraguay. Avant la visite du barrage, on a eu le droit a un film avec tout un blabla pour mettre en avant tous les bienfaits de ce barrage. Mais ils oublient de mentionner que pour le construire ils ont dû déplacer des populations, en particulier des indiens Guaranis, faire disparaitre des superbes cascades, et détruire un territoire avec une grande biodiversité. Pour se faire pardonner ils font beaucoup de choses : créations de plusieurs réserves naturelles, centre de soins pour les animaux, musée sur les indiens Guaranis, aide aux populations démunis, aide financière aux communes (sur l’ensemble du territoire ?). Sur notre chemin au Paraguay à plusieurs reprises nous avons vu des panneaux « Logements sociaux financés par Itaipu », « école financée par Itaipu »,…
Maquette et barrage d'Itaipu (le plus puissant et 2eme plus grand après la Chine)
Et puis nous avons profité de la générosité de l’entreprise Itaipu pour aller camper dans la réserve « Tati Yupi » qui a en son centre tout une zone aménagée avec camping, calèche, chevaux, jeux, terrain de volley, sanitaires, etc. Tout étant gratuit. Nous y sommes restés une journée entière pour découvrir cette réserve et ces animaux. Nous avons été très décus car nous n’avions pas la possibilité de sortir de la zone aménagée sauf en faisant un tour ridiculement petit en calèche ou en tracteur, ou en s’éloignant de 50 m pour monter au ‘mirador’. Sans voir aucun animal évidemment. Heureusement nous avons eu la visite le matin et le soir d’une bande de singes gourmands et assez culottés. Aussi (rien à voir) les gardes chasses de la réserve sont passés nous voir et ont longuement discuté avec Francois de leurs métiers assez proches. Le plus vieux d’entre eux a un fils qui voyage à vélo à travers le monde, il héberge les cyclos mais malheureusement à la ville de Ciudad où nous étions déjà passés.
Cette pseudo ‘réserve’ est à déconseiller totalement les week-ends ou durant les vacances des paraguayens car il y a alors 700 personnes par jours pour jouer au volley, mettre de la musique, faire des barbecues, etc… alors qu’ils étaient une vingtaine la journée max lors de notre passage.
Réserve 'Tati Yupi' - Visite d'homologues et d'une bande de singes gourmands
Nous sommes repartis avec les vélos direction le nord vers Conception, le timing se resserrant avant notre départ, nous décidons de faire du stop pour nous avancer de 45 km sur la grosse route roulante et sans intérêt et pour prendre une route secondaire et des pistes. Malheureusement au bout de 2 heures malgré une circulation importante nous sommes toujours à attendre. Seuls des taxis (trop petits pour 4 vélos) se sont arrêtés. Nous décidons de prendre 2 taxis cabriolets en entassant les vélos à l’arrière ; un premier taxi s’arrête pour Marion, Corinne et leurs vélos. On est en train de tout tasser dans le coffre quand un Pick Up s’arrête également pour le reste la famille. On se retrouve 45 km plus loin. François et Charlotte étaient avec Filipe, un paraguayen de notre âge qui va récupérer ses enfants chez sa sœur 500 km plus haut. On est en train de décharger les deux vélos et sacoches de sa voiture en discutant avec lui et les hommes à l’arrêt de bus. Ils sont unanimes, la piste que l’on veut prendre n’est pas praticable à vélo car empierrées. Beaucoup de routes secondaires au Paraguay sont en pierre, soit un revêtement avec des pierres anguleuses de 15/20 cm très désagréables en vélo, et en tous cas impossible sur de longues distances. Filipe nous propose de nous avancer de 500 km. Après discussion et après avoir tout déchargé … on accepte sa proposition. Et c’est parti pour 4 heures de voiture. La famille de Filipe habite à Capitain Bado, à la frontière brésilienne, et nous prenons une route qui passe par le Brésil, soit 2 heures de voiture sur le territoire brésiliens sans autorisations (pas de douane…). Sa sœur habite une ferme, ils ont des vaches pour le lait et la viande, des chèvres, des moutons, des pécaris, un étang. Nous arrivons le soir et ils nous ont préparé de la viande grillée. Ils nous proposent de dormir dans la maison (grand lit dans la pièce de vie), mais nous préférons planter la tente à côté du potager pour être plus autonome. Filipe nous demande si nous voulons bien rester une journée de plus, la décision ne fait pas l’unanimité (…) mais nous restons une journée supplémentaire. Les filles ont pu voir la traite des vaches à la main. La sœur de Philippe fabrique du savon à partir de la graisse de vache, du dulce leche (confiture de lait- très utilisée et consommée au Paraguay), son pain… Lors des deux soirées passées avec eux les deux principales ingrédients de la soirée étaient la viande grillée et bière. Les bières sont légères mais défilent bien chez les hommes. Et la canette est jetée vide dans le jardin ! Nous ne sommes pas dans les pays musulmans concernant les femmes, mais on peut noter cependant un certain sexisme. Lorsque des hommes (voisins) viennent saluer la famille, ils serrent la main à François uniquement, la bière est proposée à Francois uniquement... et rien n’est proposé à boire pour femmes (et encore moins enfants).
Dans la famille de Filipe
Le lundi nous repartons à vélo. Nous allons en direction de Conception en passant par la grosse ville de Santa Rosa (à 146 km). Il s’agit d’une route goudronnée récente pas trop chargée en circulation et avec un relief de collines plus modéré que ce que nous avions au début. Et en plus le premier jour nous avons un sacré vent dans le dos qui nous aide bien. Donc plutôt sympa.
De Capitain Bado à Santa Rosa
Mais ce parcours nous fait découvrir le problème de déforestation, on aperçoit au loin nos premiers feux de forêts, et puis pendant trois jours on n’arrête pas d’en voir. Ils brulent sans gêne la forêt, même en bord de route. Le ciel est voilé et l’atmosphère enfumée, des cendres volent au-dessus de nos têtes, nous avons la gorge enrouée. Et surtout cela nous écœure beaucoup. A priori il y aurait une «loi déforestation zéro », mais il semblerait que cela ne soit pas efficace et que personne ne soit gêné. En plus de bruler les forêts ils brûlent aussi les bords de routes, pour nettoyer. Et comme cela fait deux mois qu’il n’a pas plu, cela brule bien, un peu trop parfois (…). Nous avons assisté au départ de feu en bord de routes à la fin de notre deuxième journée ; ils étaient plusieurs en moto, sur 1 kilomètre ils ont démarré plusieurs départs de feu avec de la paille. En voyant cela ne nous a pas donné envie de bivouaquer dans la forêt ou à proximité. Nous devions donc atteindre une maison pour se mettre à proximité, et il n’y avait pas beaucoup de maisons. Enfin quelques maisons, il s’agit de famille d’indiens Guaranis. Comme la plupart des guaranis ils vivent dans des conditions assez précaires sans électricité et sans eau courante, ils ne parlent espagnol mais uniquement Guarani. Seule la voisine avait un peu de vocabulaire espagnol pour nous aider à communiquer. Ce n’est pas simple de prendre une décision car le chef de famille est absent, mais la femme nous donne finalement son accord pour que nous plantions la tente à 50 m de sa maison. Ils sont assez distants et pas trop curieux. La femme a 7 enfants et sa voisine aussi. Ils vivent dans une maison avec deux pièces avec au milieu une terrasse couverte. Il y a quelques cultures vivrières et des terres brulées autour des maisons. Comme il n’y a pas d’électricité nous ne sommes pas gênés par la lumière ou la musique, parcontre nous sommes trop proche de la route et il y a également un engin agricole qui travaille une partie de la nuit. Le matin il est encore là et nous constatons qu’il est en train d’asperger des pesticides dans son champ. Les maisons des guaranis jouxtent une grande étendue de culture, du soja sans doute (en majorité appartenant à des brésiliens). Donc non seulement on coupe leur forêt et on les expulse pour planter du soja, mais en plus ils ont droit de profiter des bienfaits du Round Up.
Déforestation
Bivouac à coté d'une famille guaranis
Le hasard fait que nous passons à côté du site, mentionné dans nos guides, des « Lagunas Blancas », une réserve naturelle avec un lac et des plages de sable blanc. Nous y faisons étape pour un après-midi et une nuit. Nous profitons pour nous baigner car il commence à faire bien chaud en milieu de journée, mais l’eau est très froide et donc la baignade courte. Dans la journée nous apercevons sur le côté du lac au loin, un feu de forêt ; mais le vent est fort et dans la direction du site. Le feu se rapproche et en fin de journée il est très proche. C’est la panique générale. Il n’y a que nous et quatre étudiants belges comme touristes sur le site. Les gérants s’activent pour débroussailler et ‘nettoyer’ les limites du site. Les belges s’interrogent pour partir prendre un hôtel dans la ville d’à côté. Finalement ils restent. Tout à coup nous apercevons de grandes flammes au bord du site, François est absent car il est parti faire des achats avec deux des belges pour manger le soir. Nous sommes inquiètes. Les filles sont en pleur. On va faire les bagages dans les chambres pour se préparer à partir s’abriter sur la plage au cas où. Finalement nous nous renseignons auprès des deux belges restant, ils nous indiquent que les gérants profitent d’une accalmie du vent pour bruler les limites de propriété afin d’empêcher l’incendie d’atteindre le site. Donc c’est moins grave que ce que nous pensions. L’incendie n’est cependant pas très loin et on préfère mettre les vélos sur la plage. Francois est absent plus longtemps que prévu ce qui rajoute à l’inquiétude des filles. Finalement le vent n’a pas repris, l’incendie n’a pas atteint le site et François est rentré, mais on a eu bien peur, surtout les filles.
Plage et incendie aux "Lagunas Blancas"
Piste de sable
Après 3 jours de vélos, nous sommes arrivés à la ville sans intérêt de Santa Rosa. Pour aller à Conception, nous avons choisi d’éviter la grosse route qui fait un crochet et de prendre une plus petite route via Nueva Germania puis une piste. Le gérant de ‘Laguna Blancas’ nous avait indiqué que cette piste était en terre et n’avait pas de revêtement de pierre ni de sable, donc parfait. Nous avons fait une pause agréable dans un resto le midi avec des dames bien sympathiques et nous sommes repartis. En fin de journée nous sommes arrivés sur la fameuse piste, à l’entrée de laquelle il y avait plein de sable... Mais Corinne avait la foi, « après il n’y aurait plus de sable » … Nous avons avancé un peu pour trouver un site de bivouac loin de la route ; il fallait aussi être en retrait de la piste car nous avons découvert que cette piste était très empruntée par de gros camions venant chercher mais et soja dans les propriétés. Nous avons demandé au hasard à une ferme, et là nous sommes super bien tombés, derrière la maison il y avait plusieurs hectares de champs tranquilles et nous avons pu nous poser, vu sur la campagne, les palmiers et les vaches. Sans doute le meilleur bivouac de notre voyage. Le matin nous avons juste perturbé les vaches car nous étions sur leur passage et elles avaient peur de toutes ces choses bizarre (tente, vélos, touristes, …). La plus courageuse s’est lancée et comme elle a vu qu’il n’y avait pas de problème elle a été chercher les autres. Nous avons ensuite découvert que la piste était finalement très ensablée, plus longue que prévue et très désagréable avec tous ces camions. Nous avons beaucoup marché dans le sable et pris la poussière des camions. A marcher une partie du temps, nous n’avancions pas vite et les troupes étaient très découragée, surtout le chef… Nous avons cherché à faire du stop mais les gros camions ne prenaient pas. Nous avons finalement été voir un gars qui avait une camionnette et nous l’avons payé pour qu’il nous avance de 40 km. Mais les choses ne se sont pas arrangées et il semblait difficile d’arriver dans les temps à Conception (pour le bateau) si nous ne trouvions pas une solution pour nous avancer. Finalement, en fin de journée, Francois a demandé à un Pick Up qui sortait d’une propriété (Estancia), il nous a indiqué que dans 30 mn il partait pour Conception et pourrait nous prendre. Entre temps des policiers se sont inquiétés de nous voir ici, on leur a expliqué, ils ont vérifiés et ont appelé la personne en question qui a confirmé. Alors ils en ont profité –eux aussi- pour une petite séance de photos. La personne est bien revenue 30 mn après mais l’intérieur du Pick Up était plein. On a réussi à mettre à l’arrière les 4 vélos, les bagages et nous 4 ! On est arrivé à 20h à Conception et finalement avec de l’avance pour le bateau prévu 3 jours après.
Trois journées à Conception à l’hôtel Frances où il faisait très chaud (35°) ; les filles ont profité d’une petite piscine à l’hôtel mais pas grand-chose à faire. On serait bien resté un peu moins longtemps mais le bateau pour le nord (sur le Rio Paraguay) ne partait que le mardi.
Piste de sable et bivouac après "Santa Rosa"